19 avril 2009

La Vallée de la Spiti : une enclave tibétaine en Inde du Nord

Souvenir d'un voyage inoubliable.

Au plus proche du Tibet, la Vallée de la Spiti, dans l’Himashal Pradesh, est l’une des régions habitées les moins peuplées au monde. Des habitants isolés qui vivent hors du temps dans un décor grandiose. Un désert de montagnes, de pierres et de glaciers.

Jonchée de pierres, traversée par l’eau qui coule des cascades, la route de la Vallée de la Spiti, sculptée à flanc des montagnes rocheuses, est la plus dangereuse et difficile d’Inde. Singh se concentre sur chaque mouvement de volant. A 2 000 mètres d’altitude, une erreur de conduite ne pardonne pas. La jeep roule à une vitesse moyenne de 20km/h.


Menant de Manali à Tabo, cette route, qui suit la rivière de la Spiti, n’est ouverte que de juillet à septembre. Neuf mois par an, recouverte de neige, la Vallée se referme sur elle-même. Ses 10 000 habitants vivent alors en totale autarcie dans leurs 80 petits villages étendus sur 76 000 km2 de terres rocailleuses. La nature est sauvage et hostile. Chevaux, ânes, yaks, moutons et chèvres se partagent ce qu’elle offre. Lorsque le brouillard se lève et que le ciel devient azur, les monts enneigés du Tibet se dévoilent au loin.
Issus de tribus mongoles sino-tibétaines venus du Nord, des nomades Khasas d’Asie centrale, des descendants du clan Shakya du Ladack et des Mudas, premiers habitants de ce désert, les Spitiens ont les traits proches de ceux des Tibétains. Ici, “Bonjour” se dit “Jule”, dérivé du mot tibétain “Tashi delek”.
La jeep ne croise que quelques autres véhicules par jour. Au bord de la route, réunis en petits groupes, des hommes et des femmes s’arrêtent un instant de casser des pierres pour regarder passer les rares voyageurs s’aventurant dans la région.
Sur le chemin, les hameaux se ressemblent tous : quelques maisons de pierres empilées à la main, une bâche pour seul toit, un intérieur creusé dans la terre, étonnament chaleureux. Ces petites habitations servent parfois de halte aux visiteurs qui peuvent goûter au thali, le plat traditionnel composé de dalh (une soupe de lentilles), riz, légumes et chapatis (pain indien).


Pour découvrir les villages pittoresques du Spiti, il faut sortir de la route principale et grimper dans les montagnes.
Perché à 4 205m, Kibber est l’un des villages les plus hauts du monde. Le fond de l’air est frais mais dès que le soleil apparait la température monte rapidement. Quatre hommes, assis sur l’herbe, jouent aux cartes et rient comme des enfants. Des gamins aux joues noircies tentent d’escalader un muret, tandis que deux autres se promenent, bras dessus bras dessous. Un couple étend du linge sur un fils de barbelé. La période estivale est celle des travaux d’amélioration du village. A son rythme, chacun des 339 habitants y participe. Dans un drap tendu, deux femmes apportent du ciment à un homme qui, une truelle a la main, construits quelques marches. A cette altitude, le souffle est vite coupé et le moindre effort épuise. Mais le sommet de Kibber offre une vue imprenable sur les montagnes et la sensation de dominer le monde.


Le Spiti est parsemé de monastères bouddhistes. Celui de Ki, village situé a 8km de Kibber, est le plus grand et coloré de la région. 115 moines bouddhistes viennent y prier et manger tous les jours à heure fixe. Et 70 enfants ont l’honneur d’apprendre ici le chemin de leurs grands frères. La tradition, moins rigide que par le passé, veut que le second fils de la famille rejoingne le “gompa” afin de devenir lama.


La ville de Kaza, centre administratif et carrefour routier, est un passage obligé pour obtenir un permis, indipensable pour poursuivre la route.


La jeep se dirige ensuite vers Dangkar, ancienne capitale du Spiti, située à 3 870m, 300 m au-dessus de la rivière de la Spiti. Le village est abrupt. La montée à pied dans la terre grise rocailleuse est délicate. Un escalier mène à un stuppa qui domine la Vallée. Des drapeaux bouddhistes vert, jaune, bleu, rouge et blanc flottent au vent. Il y a comme un sentiment d’iréel face à la magie de ce lieu. Une sensation de vertige et l’impression de n’être rien face à l’immensité du décor.


Les maisons, surplombant le gompa vieux d’un millénaire, se fondent dans les roches taillées par le vent et le soleil. Une invitation à boire un chai (thé indien) ne se refuse pas. Depuis son étable au rez-de-chaussée, une vache noire regarde l’étranger monter les quelques marches menant à la pièce de vie principale. Une femme, assise par terre, épluche des légumes pour le dîner. A côté, allongé sur une couverture, son bébé sourit, un mala (chapelet indien) entre les mains. Le thé se déguste autour d’une des tables basses en bois. Chacun se sent ici un peu comme chez soi.
En contre bas du village, pois, blé et orge poussent dans des champs verdoyants. Comme dans le reste de la région, les habitants de Dangkar cultivent d’avril à octobre et stockent des provisions pour l’hiver, long et rude.


Tabo est la seconde ville de cette enclave tibétaine. Des grottes, dans lesquelles les lamas viennent méditer, sont creusées dans la crête qui la surplombe. Le gompa de Tabo, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, date du Xème siecle et préserve des trésors bouddhistes très anciens. Dans la cour du monastère couleur sable, trois eucalyptus offrent quelques parcelles d’ombre pour se protéger du soleil qui tape fort en ce début d’après-midi. Dans une des petites ruelles de la ville, une femme âgée, souriante, tricotte des chaussettes en laine de yak et fabrique des bijoux en turquoise et corail. Des châles et objets venus du Tibet sont étalés dans les petites échoppes. Dans cette région isolée, mieux qu’ailleurs, la culture et l’artisanat tibétains ont pu être précieusement conservés.

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